Mon petit satellite

Publié le par Sarah Nicoud

Mon petit satellite

Il y a quelque temps j’échangeais avec l’ergothérapeute concernant les temps d’inclusion de Mathilde dans sa classe de CE1. A un moment je l'ai sentie mal à l’aise pour retranscrire les propos de l’enseignante face à une difficulté qu’elle rencontrait avec Mathilde. Mathilde est dans la classe mais ne participe pas aux activités avec les autres et ne se mélange pas. Elle était hésitante dans ses propos, dans le choix des mots, peut-être par peur de me blesser, je ne sais. Cette réalité j’en ai conscience, j’ai pu l’observer dans différentes circonstances. Alors j’ai posé les mots et je lui ai simplement dit : « oui, souvent Mathilde est un petit satellite, elle gravite autour du groupe mais n’en fait pas partie ». Lorsque les mots sont posés c’est plus facile d’avancer et nous avons pu continuer notre discussion en essayant de voir comment l’enseignante pourrait permettre à Mathilde de trouver davantage sa place dans le groupe.

Il y a deux Mathildes. Ce constat j’ai commencé à le faire depuis quelque temps et il est toujours pour moi source de difficulté. Il y a Mathilde, petite fille effacée lorsqu’il y a du monde, de l’agitation, lorsqu’elle n’est pas en confiance. Petite fille qui s’isole pour retrouver son monde intérieur, qui garde le silence, joue seule. Satellite d’une planète qu’elle observe de loin et à laquelle elle n’appartient pas. Dans ces moments, l’image que Mathilde renvoie est si loin de celle que j’ai d’elle, qu’elle me fait mal. J’aimerais que les gens qui l’entourent puisse la voir avec mon regard, moi qui connais l’autre petite fille. Une petite fille heureuse et complètement zinzin, une petite fille vive et espiègle, drôle et tellement attachante. Une petite fille intelligente. Au sein de notre famille Mathilde n’est pas un satellite c’est notre planète.

Mais Mathilde doit trouver sa place dans le monde « ordinaire » si elle veut en faire partie, pas uniquement au sein de notre famille. A l’école, elle apprend les bases qui lui permettront de s’intégrer : la lecture, l’écriture, les chiffres, le vivre ensemble. Et alors qu’elle progresse assurément dans les trois premiers domaines, le dernier reste son point faible. Comment montrer qui l’on est, ce dont on est capable lorsqu’on se replie sur soi si facilement. Et si l’autre ne prend pas la peine de venir à notre rencontre comment saura-t-il qui l’on est ?

 

Mathilde ne semble pas souffrir de la situation, c’est sa manière de s’adapter, d’être au monde. Alors pourquoi est-ce que je souffre moi ? Parce que je vois en elle un trésor, parce que je l’aime au-delà des mots et que je voudrais que les gens ne s’arrêtent pas uniquement à l’image de la petite fille handicapée. Elle est tellement plus que ça.

Publié dans Au fil des jours

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